jeudi 18 octobre 2012

L'Assemblee Nationale

Au moment ou j'ecris, la RTNC retransmet en direct un debat de l'assemblee nationale qui a une allure de farce. Il s'agit d'accepter ou refuser une motion visant a destituer le vice-premier ministre / ministre de la defense (pas Tonton Daniel, mais son collegue). Les deputes voulant prendre la parole ont pu s'exprimer a la tribune. Il y avait de tout. Des gens tres intelligents qui expliquent clairement leur position, documents a l'appui, avec un discours structure (j'ai beaucoup aime la clarte, la rigueur et l'integrite du president de l'assemblee, Aubin Minaku). Des gens hesitants, qui ont des arguments mais qui ne savent pas les exprimer clairement. Des gens stupides qui tournent autour du pot pour paraphraser "je suis pour" ou "je suis contre". Et finalement, des cretins pour qui cocher "j'accepte la motion", "je refuse la motion" ou "je m'abstiens" n'etait pas clair et ont eu besoin d'une explication. J'accepte la motion = le ministre doit partir. Je refuse la motion = le ministre peut rester. Bon... la majorite des deputes etaient de la premiere ou de la deuxieme categorie. Mais ce que j'ai vu des debats m'a fait penser que l'opposition a plutot tendance a etre dans la troisieme categorie. Mama Anto dit que la plupart des opposants sont des aigris et que, lorsque sous Mobutu, elle etait dans l'opposition, ils etaient plus constructifs et dignes. Et meme si elle lui etait opposee, elle dit parfois du bien de Mobutu. Plus le temps passe, plus je pense que le gouvernement Kabila fait du bon boulot, meme s'il y a des gens pourris en son sein. Globalement, ce gouvernement travaille pour un mieux dans le pays.

Le debat me semble une farce des le depart, car on reproche au vice-premier ministre / ministre de la defense, la guerre au Kivu. Mais cet homme a ete nomme dans le courant de l'annee. La guerre avait deja commence. Quelle est sa responsabilite? Je ne sais pas si c'est un bon ministre ou non, mais on lui reproche une chose dont il n'est pas responsable. Il y a des dysfonctionnements et des gros problemes a regler au sein de l'armee, mais c'est un travail qui est en cours et certains resultats sont deja visibles.

On en est au depouillement. Je ne pensais pas que cette motion-farce avait une chance de passer, mais a entendre le nombre de "pour", je ne suis plus aussi categorique. J'attends.
A present, les contre semblent prendre le dessus. Il y a 385 bulletins a depouiller. Et je regarde un type donner un bulletin a un autre, qui annonce le vote, puis tend le bulletin a un troisieme qui montre le bulletin a trois delegues de l'assemblee avant de les remettre dans l'urne correspondante. C'est l'emission la plus ennuyeuse imaginable. Ca prend du temps.
Et le comptage commence. La, je regarde un type compter a haute voix des bouts de papier dans un bidon en plastique. Cool, non?
164 pour.
202 contre.
9 abstentions.
10 nuls.
Comme il y a 500 deputes, il fallait 251 voix (majorite absolue) pour que la motion passe. Elle a ete rejetee. Mama Anto a applaudi. Des gens a l'exterieur se sont mis a chanter.

Voila un pays soit-disant non-democratique...

mercredi 17 octobre 2012

La Francofolie

Du 12 au 14 octobre, Kinshasa a accueilli le 14e sommet de la francophonie. Ici, la majorite des gens en est tres fiere. Une organisation mondiale temoigne a la RDC de son importance! Il etait temps que l'on mette du baume sur l'honneur ecorche des congolais.

Ici, c'est l'evenement du siecle. On a prepare Kinshasa pour recevoir les invites en grande pompe. Lorsque je suis arrive, le 25 juillet, la ville etait sale et la route conduisant a l'aeroport de Ndjili etait une piste en chantier. Maintenant, on ne voit plus trainer des sachets dechires, des bouteilles ecrasees et des boites de conserve rouillees dans les zones a montrer. Sur la route qui mene a la maison, il n'y a pas de difference... C'est une route en sable menant nulle part. Mais le long des routes asphaltees, c'est visiblement plus propre. Quant a la route menant a l'aeroport, c'est presque partout une route asphaltee a quatre voies dans chaque sens, avec des lumieres pour indiquer le bord. Il etait prevu que cette route soit completement terminee pour la francophonie, mais comme ce n'etait pas tout-a-fait le cas, elle passe de quatre voies a deux voies a un endroit. Les lumieres suggerent que c'est pour une bonne raison que cette route se retrecit, mais en fait, le chantier n'est pas fini. Afin d'eviter les embouteillages, le vendredi et le samedi ont ete declares jours feries (donc conge paye) par le gouvernement. J'ai entendu dire que certaines routes avaient ete bloquees pour permettre aux invites de se rendre facilement au sommet. Je ne suis pas sorti ce jour-la.
J'ai eu le sentiment que les Kinois voulaient vraiment faire une bonne impression, rassurer les invites et donner l'image d'un pays ayant des infrastructures fonctionnelles a l'europeenne. Mais ils ont du faire avec leurs imprevus innombrables et leur rythme base sur la relation a l'autre et non sur l'efficacite. Et un Europeen arrivant a Kinshasa pour le sommet de l'OIF, s'il ne cherche pas a comprendre la realite qu'il rencontre, verrait ces infrastructures toutes neuves comme une facade a des dysfonctionnements omnipresents. Or, il y a des raisons tres simples a la difference d'efficacite entre Suisses et Congolais. Au Congo, si quelqu'un a besoin d'aide, on arrete de travailler pour l'aider. En Suisse, on n'arrete que si c'est une question de vie ou de mort. Au Congo, la nature est genereuse, et il suffit d'avoir quelques arbres fruitiers, du manioc, quelques betes,... il n'y a pas besoin de faire de reserves: il y a toujours moyen de recolter la nourriture facilement. En Suisse, l'hiver nous oblige a faire des reserves et a s'organiser. Sans ca, on a aucune chance d'y survivre. Pour que la societe traditionnelle fonctionne au Congo, il faut aider celui qui est dans le besoin. On a suffisamment de ressources pour ca. Ne pas bien traiter son prochain au Congo est honteux. Pour que la societe traditionnelle fonctionne en Suisse, il faut participer a la production des reserves de la communaute. Ne pas suivre le code de conduite de la societe en Suisse est honteux. Il y aurait encore beaucoup a developper a ce sujet, mais l'idee generale de mon analyse est la.
Pour en revenir a la francophonie, je comprends que les Kinois aient voulu faire bonne impression, car ils sont presque toujours mal juges par les europeens qui n'arrivent pas a comprendre leur comportement.

Un exemple de mauvais jugement: peu avant de venir, Francois Hollande a dit que la RDC ne respectait pas assez les droits de l'homme, notamment parce que l'opposition n'etait pas ecoutee. Or, lorsque Kabila a pris le pouvoir, il a dit qu'il n'avait pas ete elu, donc qu'il ne pouvait pas avoir le pouvoir seul. Et il a pris quatre vice-presidents d'autres partis pour gouverner avec lui. Les tensions de l'annee derniere etaient dues a un de ces quatre ex vice-presidents, qui affirmait que les elections avaient ete truquees et que c'est lui qui avait ete elu. Actuellement, certains des ministres choisis par le gouvernement sont de partis opposes au gouvernement. De plus, l'opposition a droit de parole dans les debats du gouvernement et les debats sont retransmis en direct a la television nationale. Je crois que Hollande pourrait en prendre de la graine.

Un exemple associe au precedent: lors du sommet, une manifestation de l'opposition a ete interdite. Alors, la journaliste de France24 a affirme qu'il restait un long chemin a faire pour respecter les droits de l'Homme. Mais moins d'une semaine avant la francophonie, cette meme opposition a claque la porte du gouvernement (en direct!), car ils jugeaient ne pas etre entendus. Ils affirmaient que le gouvernement avait dit une chose (je ne sais pas laquelle: je n'ai pas vu le debat), mais ce dernier a prouve, citation a l'appui, qu'ils avaient dit tout autre chose et que l'opposition avait deforme et sorti du contexte les propos du gouvernement. Doit-on laisser manifester une opposition qui claque la porte d'un debat retransmis en direct sur la television nationale pour faire croire qu'elle n'est pas ecoutee alors qu'elle a simplement rate son attaque rhetorique?

Encore un exemple sur l'opposition: amnesty international affirme qu'un opposant a ete arrete pour viol et qu'il est maltraite. Cet homme est certainement maltraite, car les prisons congolaises ne respectent pas les droits de l'Homme. Et amnesty a raison de demander que le gouvernement congolais communique sa position et lui offre des soins. Ce qu'amnesty ne dit pas, c'est que cet homme a ete arrete pour relations sexuelles avec des mineures consentantes, ce qui est considere comme viol, et que ce delit est avere. La ou il y a une grosse erreur, c'est de laisser supposer que c'est un coup monte pour questionner et torturer cet opposant. Au pire des cas, les autorites congolaises ont profite du delit pour l'arreter et lui soutirer des informations (peut-etre pour tenter d'eviter que ne se reproduise un evenement comme l'annee derniere...). Mais les dernieres informations sont invraisemblables: le type en question avait simplement fui pour eviter son arrestation et est reapparu recemment.

Il y a des non-respect des droits de l'Homme en RDC, mais pas ceux que l'on pense. Il y a des affaires douloureuses a regler, comme le jugement des suspects du meurtre de Kabila pere, qui croupissent en prison depuis 2001. Il y a des innocents en prison. Il y a des gens qui ont disparu. Mais ce n'est pas l'arme de terreur du gouvernement que l'on pourrait penser. Les gens n'ont pas peur de Kabila, ni de Matata Ponyo, son premier ministre. Ils ne se privent d'ailleurs pas de les critiquer. Mais la ou les droits des gens sont bafoues, c'est plutot au niveau des salaires. Des employes qui ne sont pas payes par leurs employeurs pendant plusieurs mois. Des fonctionnaires qui gagnent 45$ par mois alors qu'il faut 500$ pour faire vivre correctement une famille a Kinshasa. Des personnes haut placees qui exigent une commission pour signer le papier qui autorise une entreprise a commencer un chantier.

Si le sommet de la Francophonie a commence sur une colere envers Hollande qui avait donne des lecons a la hate (bon... l'opposition etait ravie), il a pris une tout autre tournure par la suite. Lors de l'entree des chefs d'Etats, Hollande arrive et est genereusement applaudi par la foule, qu'il salue en souriant. Puis Kabila entre et les applaudissements et les cris de felicitations font passer les applaudissements pour Hollande pour un petit bravo poli. Kabila salue a son tour la foule, puis va s'assoir juste a cote de Hollande. Ensuite, il le fixe, immobile, impassible, pendant quelques secondes. Lorsque Hollande croise ce regard de "c'est qui le patron ici?!", il detourne la tete brusquement. De toute beaute!
Par la suite, Hollande a eu une position tres respectueuse et a ete beaucoup applaudi pour son discours. Je n'ai pas eu l'occasion d'entendre les autres discours, car la transmission sur la RTNC etait tres mauvaise et que les chaines francaises ne parlaient que de leur propre president.

Pour ma part, je n'ai ete touche personnellement par ce sommet que parce qu'aux nombreux noms que l'on me donnait deja, a savoir "mundele", "le blanc", "missionnaire", "monsieur l'abbe", "pere", on a ajoute "francophonie", pensant que je suis un des visiteurs venant pour le sommet.

mercredi 10 octobre 2012

L'abandon

Ce n'a pas ete facile d'abandonner.

Je me suis rendu compte qu'il fallait savoir s'imposer pour un tel voyage. Et je ne sais pas le faire. Je tiens trop a respecter les gens, cherche systematiquement a eviter le conflit et ne me laisse pas le droit de faire une chose qui pourrait etre consideree comme une erreur.

Je savais que j'allais, a un moment ou a un autre, tomber malade. Je sais que je suis un peu hypochondriaque et ai voulu gerer ce probleme en me preparant correctement au niveau de la sante. Mais etre seul pour gerer une maladie etait trop lourd pour moi. Je n'avais simplement plus de courage.

Je vous admire, Robin, Viviane, David et Joachim, vous qui avez eu le courage de partir et de continuer. Je voudrais vous ressembler. Mais je constate que je ne suis pas vous. Je n'ai pas ce courage-la. Je ne pourrai pas etre ce que je ne suis pas.

Je ne me sens pas devalorise par ce revirement. J'ai surtout le sentiment de m'accepter tel que je suis. J'ai des faiblesses. Mais j'ai aussi des forces, comme mon imagination. Plutot que de tenter de nier mes faiblesses  en me mettant dans une situation ou je suis contraint de les combattre, je vais exploiter mes forces. J'ai un projet en cours. J'en parlerai lorsqu'il sera suffisamment clair.

Jours 4 a 7

J'etais de retour. Mais les aventures n'etaient pas terminees. J'etais malade, donc on m'a emmene a l'hopital. 62 kg. Deshydratation. Amibes. Malaria. On m'a hospitalise pour me rehydrater et me donner les medicaments par intraveineuse.

Bon... dit comme ca, c'est tres impressionnant pour des Europeens. Mais en fait, c'est a-peu-pres comme si j'avais eu une grippe et une indigestion en meme temps. Et, malgre tout ce qu'on en dit, la malaria n'est pas une maladie grave la plupart du temps. On peut en mourir au meme titre qu'on peut mourir de la grippe. Si on m'a garde a l'hopital, c'est surtout parce que j'etais sous perfusion et parce que mon corps decouvrait de nouveaux agents pathogenes (et certainement parce qu'on aime bien s'occuper des Blancs).

J'ai repris des forces et les symptomes ont progressivement disparu. Mais samedi matin, j'etais tres content d'etre a l'hopital, car j'ai fait la fievre la plus impressionnante de ma carriere. Un infirmier me mettait sous perfusion. Je ne me sentais pas bien. Je lui ai dit que c'etait comme si j'avais froid, mais sans avoir froid. Et j'ai commence a frissonner. Puis a trembler. Mais vraiment trembler. Lorsque j'essaie de le mimer, je n'y arrive pas. Tout mon corps tremblait fort et je claquais des dents. Il m'a fait une injection. Ca a dure une dizaine de minutes et ca s'est calme. Plus tard dans la journee, j'etais encore mal et je me repetais que j'allais degommer toutes ces salopes d'amibes. Mais je n'arrivais pas a me sentir mieux. C'est alors que des gens sont entres dans la chambre avec des Bibles. Je craignais le beni-oui-oui. Beaucoup connaissent ma rancoeur face au rituel religieux. Mais en fait, ils venaient deposer des Bibles pour les malades. Des nouveaux testaments flambant neufs. Ils sont partis. Dans un endroit ou on peine a se procurer de l'eau potable simplement parce qu'on ne sait pas qu'il est simple d'en produire, dans un endroit ou on manque d'informations pour entreprendre efficacement, dans un endroit ou la plupart des gens ignorent l'impact sur la sante des milieux insalubres, dans un endroit ou le climat permet des solutions simples pour obtenir de l'energie si on sait juste ce qu'il faut faire, on imprime et offre des Bibles!!!! Philosopher sur la metaphysique lorsqu'il y a un besoin urgent d'apprendre la physique pour interagir de facon efficace avec le monde!!! Il y a des choses tellement necessaires qui pourraient etre apprises en distribuant des livres aux malades. La deresponsabilisation cultivee par trop de religieux m'offusque. Grosse bouffee de colere. C'est de la que j'ai retrouve mon energie. Ironie, c'est une Bible qui, indirectement, m'a redonne de l'energie. Mais mon energie etait issue de ma foi en la verite et la liberte de l'humain.

J'ai pu voir comment etait un petit hopital de banlieue a Kinshasa. J'ai ete tres bien soigne. Et si vous voulez un hotel bon marche a Kinshasa, je vous recommande de tomber malade. 35.- pour les medicaments et a peu pres autant pour trois jours aux petits soins en chambre privee. C'est vrai que la nourriture doit etre apportee par les proches et qu'il n'y a pas la tele dans la chambre, mais ca reste presque rien compare a la Suisse. La chambre est propre. Le personnel est competent et attentionne. On critique beaucoup les soins en Afrique, mais on fait des amalgames: Triffouillis-les-Oies et Paris n'ont pas le meme nombre de musees.

Les proches se relaient aussi pour faire garde-malade. C'est une chose qui fait beaucoup de bien que d'avoir quelqu'un qu'on aime avec soi. Mais comme je suis habitue a la solitude et a l'individualisme, je n'ai eu un garde-malade que les premieres 24 heures. Apres, j'ai dit que ce n'etait plus necessaire, car je me sentais deja bien et j'avais beaucoup de visites.

Je suis sorti dimanche a midi. J'aurai encore des medicaments a prendre et serai convalescent jusqu'a jeudi. En gros, je serai gueri pour le sommet de la francophonie dont on est terriblement fier ici et dont je me fous completement. D'ailleurs, j'ai appris ici qu'il y a deux ans, il etait a Montreux. Je me souvenais juste que le Grand Representant de la Francophonie etait alors... Pascal Couchepin.

En resume, je me gueris bien. J'ai change de plans, mais j'ai toujours des projets. J'en parlerai bientot.

mercredi 3 octobre 2012

Troisieme jour

Au petit matin, je me suis leve, ai range mes affaires, suis alle me laver a la riviere et ai filtre de l'eau. J'avais hate de quitter cet endroit. Mais il m'a fallu quatre heures pour arriver a m'echapper car, des que j'ai explique la methode de desinfection de l'eau a un groupe de personnes, il fallait recommencer pour d'autres arrivants, meme apres avoir mis ca par ecrit. En plus, j'avais la nausee, comme lorsque je n'ai pas assez mange. Et en effet, mon dernier repas datait de hier midi. J'ai pris aussi le temps de manger. Ce n'est qu'a 9h30 que je suis reellement parti, c'est-a-dire lorsque le Soleil tapait deja fort. La nuit se faisait mechamment sentir et l'itineraire etait vallonne. Mon but etait Kenge, a environ 70 km de Kwango, mais je ne savais pas si j'y arriverais. Ce jour-la, j'ai mesure la necessite de s'imposer pour reussir un tel voyage, car a vouloir trop respecter les gens, je m'etais mis dans une situation difficile qui m'avait affaibli et fait perdre du temps de repos et de repas le jour precedent (je n'avais pas pu souper).
Mais petit a petit, les kilometres defilaient. La dure montee etait systematiquement recompensee par une longue descente rafraichissante. Je consommais quand meme beaucoup d'eau et, sans trouver un endroit ou je pourrais en filtrer, je devrais m'arreter. Comme je transpirais enormement, que ma langue semblait en carton et que j'avais la nausee, je me suis arrete pour prendre un motilium, une solution de deshydratation et pour manger des biscuits energetiques. Je me sentais un peu mieux apres ca.
Au Secteur Bukanga-Lonzo, la police m'a a nouveau arrete. Enfin... un gars en uniforme m'a invective avachi sur une chaise sous une paillotte a une trentaine de metres de la route et m'a dit de venir. J'aurais pu faire la sourde oreille. J'ai raconte a nouveau mon histoire a Madame le Commandant qui, sur le moment me semblait pas avoir la lumiere a tous les etages, car elle me posait des questions auxquelles j'avais deja repondu. Elle aussi voulait que je donne quelque chose. J'etais presse. Comme j'avais pris du savon de Kinshasa pour donner la ou il etait difficile de s'en procurer, je lui en ai propose et elle a accepte. Je suis reparti.
Apres quelques kilometres de montee en plein Soleil, je me suis arrete et j'ai commence a vomir. J'ai repris un motilium et une solution de rehydratation et j'ai vomi a nouveau peu apres. A ce stade-la, je ne faisais pas le malin. Je ne pouvais pas prendre de medicament, car je vomissais tout. Je ne pouvais pas manger, car je vomissais tout. Je ne pouvais pas boire, car je vomissais tout. Je savais que mon corps avait de la reserve pour tenir un rythme comme ca suffisamment longtemps pour qu'on me ramene a Kinshasa, mais ca devenait dangereux de continuer, principalement a cause de la deshydratation. J'ai abandonne.

Je suis retourne chez Madame le Commandant pour demander de l'aide. J'ai aussi appele Dubois pour lui dire que je rentrais. Il est venu me chercher. Je crois que c'etait le seul endroit sur mon trajet ou il n'y avait pas de reseau. Le telephone satellite a ete d'un grand secours. Et pouvoir appuyer sur un bouton pour lui envoyer mes coordonnees GPS sans devoir passer deux minutes a ecrire un sms en tentant de ne pas vomir sur le telephone m'a vraiment bien aide. Un infirmier est venu me voir et m'a injecte un truc jaune qui a stoppe les vomissements, m'a permis de prendre un anti-amibien et anti vomissements en comprimes et m'a redonne de la force. Pas tout de suite... j'ai eu le temps de croire que j'avais toutes les maladies tropicales, europeennes et peut-etre meme martiennes. Et si je n'ai quasiment pas eu la tourista, ce jour-la, ca sortait liquide. Madame le Commandant, que j'avais trouvee si peu convaincante au premier abord, s'est revelee etre quelqu'un de tres attentionne et de tres droit qui a pris soin de moi et n'a pas abuse de ma maladie pour obtenir quelque chose de moi. Mais comme j'avais decide d'abandonner, je lui ai laisse tout ce que j'avais prevu specifiquement pour ce voyage. Principalement de la nourriture, mais aussi quelques vetements et des pincettes, le savon que j'avais prevu de donner, les briquets pour allumer mon rechaud, la cordelette que je gardais pour les reparations,... Le medicament m'a permis d'etre suffisamment longtemps sur pied pour aller me laver et pour expliquer la methode de desinfection de l'eau.

Dubois, Tonton Bijou et Fils sont arrives peu apres le coucher du Soleil. Je terminais de demonter mon velo. Fils l'a charge dans le coffre de la voiture. J'ai achete un coca pour me rehydrater. J'ai promis de revenir. Et nous sommes partis. Le retour etait long. Tonton Bijou m'avait achete un croissant, mais j'ai difficilement pu avaler un quart. J'esperais vraiment arriver a ne pas etre trop malade pendant tout le trajet. J'ai juste tenu.

Nous sommes arrives a la maison vers 23h30. Mama Anto avait prepare une nourriture que j'aime beaucoup en temps normal. Mais voir du salami, du fromage et de la mayonnaise me donnait la nausee. Je n'ai pas mange et suis alle me coucher.

mardi 2 octobre 2012

Deuxieme jour

Aujourd'hui, je vise Pont-Kwango, a une soixantaine de kilometres de Mbankana. C'est l'Ingenieur Faustin qui m'a conseille cette etape. Comme ca correspondait a la distance que j'avais prevue, ce me convenait. C'est un lieu qui a ete tristement celebre les deux semaines precedant mon depart, car il y a eu trois accidents mortels la-bas. Mais je ne prenais pas un gros risque en roulant sur cette route si dangereuse en apparence, car les causes des nombreux accidents ne se verifient pas avec un velo. Premierement, il y a tres peu de circulation et des bandes pour les pietons de chaque cote de la route, et les voitures klaxonnent avant de depasser, donc il est quasiment impossible de se faire shooter par un imbacile qui force le passage, comme je risquerais en Suisse. Deuxiemement, les accidents sont dus au fait que des cretins voulant gagner une heure sur un trajet de 500km roulent comme des malades en pleine nuit et ne voient pas les nombreux camions en panne sur la route. Les feux des voitures sont souvent defectueux, et on indique le bord du vehicule a l'aide du clignotant gauche. On verifie que celui qui vient en face nous a bien vus en lui faisant des appels de phare. S'il repond, c'est bon. Mais comme je ne roulais pas la nuit, je ne risquais rien. Troisiemement, certains accidents sont dus a la defectuosite des freins et au surchargement des camions. Mais ces camions-la roulent presque au pas, donc on a le temps de les voir venir.

Vers la fin du trajet, je cherchais un endroit ombrage pour cuisiner et manger. J'ai passe un camion en panne ou on m'a demande de l'aide. J'ai propose qu'on partage mon repas. On m'a emmene un peu plus loin, ou il y avait de l'ombre, une paillotte et des braises. J'ai prepare une casserole de riz et on a mange en discutant de la politique du Congo. Certaines personnes etaient tres negatives sur leur pays et, malgre l'excellent etat de la route et la fertilite de la terre, disaient ne pas pouvoir cultiver par manque de machines. Je leur ai parle de la Chine qui, en 50 ans, est passe de pays sous-developpe a premiere puissance economique mondiale grace aux bras des Chinois. Lorsque j'ai dit que je pensais que, si tous les Congolais s'y mettaient, le pays pouvait etre puissant et abondant materiellement dans une vingtaine d'annees, on m'a repondu "Oui... apres notre generation. C'est a chacun son tour de vivre." Toutes les personnes que j'ai rencontrees n'etaient pas ainsi. C'etait meme les plus negatives et les plus paresseuses, mais j'ai constate que le sens du sacrifice n'est pas dans la culture ici. Je leur ai explique la methode SODIS pour produire de l'eau potable et ai mis ceci par ecrit avant de partir. Je l'avais d'ailleurs deja fait a Mbakana et je le ferai tout le long du voyage.
Ce jour-la, j'ai bien roule, a un rythme tranquille. L'itineraire etait vallone, mais comme la distance etait assez courte, je suis arrive a destination avec l'envie d'aller plus loin. J'aurais peut-etre du... Arrive a Kwango, j'ai demande s'il etait possible de planter ma tente la-bas. On m'a ammene chez le chef de secteur (il avait la responsabilite de la partie de l'agglomeration ou je me trouvais). Il semblait gene et tendu. Il m'a dit que je devais passer au poste de police pour m'annoncer officiellement. Donc j'y suis alle. Comme on m'accompagnait, c'etait a pied. Mais c'etait a trois kilometres. Questions incessantes des badauds sur le chemin. Quelques minutes passees a un barrage de la police qui affirmait qu'avoir une carte geographique etait illegal (ce qui est faux). Puis, longtemps au poste de police, ou j'ai appris a resumer l'enchainement d'evenements qui m'ont fait me retrouver sur un velo a cet endroit, car j'ai du le raconter a cinq personnes differentes et leur presenter mes papiers a chaque fois. Finalement, on m'a dit que je pouvais passer la nuit ici, au poste de police (a savoir quelques maisonnettes en briques avec des toits en tole autour d'une cour en terre seche et sablonneuse). Mais, comme le chef de secteur m'avait dit que je pouvais rester, je ne voulais pas refuser son invitation et etre insultant, donc il fallait que je retourne chez lui. La encore, j'etais accompagne, donc il fallait marcher. J'ai eu un arret supplementaire a une sorte d'office du tourisme ou il y avait des fonctionnaires en mal de travail. J'ai encore du raconter mon histoire. "Ou sont nos bieres?" m'a demande le gratte-papier qui m'avait questionne. Je lui ai explique que je n'etais pas riche et que je ne pouvais pas offrir une biere a chaque personne que je rencontrais. Il m'a dit que, comme je passais par la, il fallait que je donne quelque chose. J'ai dit que je n'avais rien a donner, comme materiel, car je voyageais a velo, mais que je pouvais lui donner une information tres utile. La methode SODIS fait des miracles, meme face a la corruption! Apres les trois kilometres, le chef de secteur m'a dit que pour ma securite, c'etait mieux que j'aille dormir au poste de police. Vraisemblablement, il ne voulait pas que je dorme dans son secteur. Je n'ai jamais su pourquoi. A nouveau j'ai parcouru a pied les trois kilometres en poussant mon velo.
Malgre le fait que l'on m'ait dit qu'il y avait un endroit ou je pouvais me laver, j'ai ete contraint de me coucher transpirant. Il semblait que rien n'etait possible avant le lendemain. On m'a dit de dresser ma tente dans la cour, puis non, a cote d'une maison, puis non derriere celle ci et finalement non, sous la paillote a meme le trottoir (trois murs de bois ressemblant aux roseaux d'un metre de haut et un toit en feuille de palmier da deux metres du sol). Heureusement que ma tente se montait sans les sardines, car les planter dans l'asphalte aurait ete difficile. Heureusement aussi que j'avais un matelas. Heureusement qu'il y avait des policiers tout pres, car je devais dormir en pleine rue dans un lieu mal repute. Finalement, il n'y aurait pas eu besoin des policiers, car le bar qu'il y avait de l'autre cote de la route m'a empeche de dormir jusqu'a 4 heures du matin. Donc j'ai bien pu surveiller mes affaires.

lundi 1 octobre 2012

Premier jour

Mama Anto, Dubois, Tonton Bijou et Fils, le chauffeur, m'ont accompagne a Mutiene en voiture. Ils voulaient m'eviter de traverser le quartier chaud de Kinshasa, le barrage de police proche de la ferme du president et l'enorme cote de Mayi Ndombe (qui est magnifique). Arrive la-bas, j'ai remonte mon velo, je leur ai dit "a dans un mois" et je suis parti.

Le but etait Mbankana, a une trentaine de kilometres. Comme je commencais en pleine journee, j'ai evite de faire une grande etape. La route etait tres droite et tres plate. Le ciel se refletait dans la chaleur de la route au point que les deux se confondaient a l'horizon. Il y avait de rares arbres et l'ombre etait difficile a trouver. On m'avait deja explique que le commerce le plus developpe le long de cette route est le charbon de bois, qui est la premiere source d'energie domestique a Kinshasa, donc que les arbres depassant une certaine taille sont coupes pour ca. Savane herbeuse.

Je suis arrive a Mbankana avec 31km au compteur et le sentiment de n'avoir pas termine l'etape, tant elle etait petite. Mais la prudence voulait que je m'arrete dans cette agglomeration. Je n'ai eu qu'a saluer un homme et a parler une minute pour qu'il m'invite a planter ma tente la ou il dormait. Il s'appellait Ingenieur Faustin et etait en train de construire un restaurant pour des soeurs a l'entree de Mbankana. Il dormait au chantier avec les macons. Il m'a raconte qu'un Francais etait passe aussi a velo quelques temps avant moi et y avait dormi. Mais lui etait parti de France et avait suivi la cote ouest. Il doit etre actuellement dans le Katanga, la province Sud-Est du Congo. J'etais a la fois content d'apprendre que quelqu'un faisait ce que j'avais voulu faire, mais aussi jaloux. Il m'a aussi emmene a la riviere pour que je puisse me laver, puis chez les soeurs dont il m'avait parle. Des gens tres sympathiques. On m'a fait gouter un miel sauvage d'une saveur phenomenale. Je m'attendais a un tres bon accueil, mais le vivre est autre chose. On m'a meme offert le pot de miel que je trouvais si bon et des avocats qui muriraient en route. Meme la nature m'a accueilli avec une pluie tropicale que j'attendais depuis longtemps. Une pluie abondante et tiede. 
Ingenieur Faustin et Soeur Melchiade

Bibi et Ingenieur Faustin

Le depart

Il me reste 3 minutes dans le cybercafe pour vous dire que je pars lundi premier octobre faire le voyage a velo que j'ai mentionne precedemment. A dans un mois et ne manquez pas le sommet de la francophonie a Kinshasa ;-)