Aujourd'hui, je vise Pont-Kwango, a une soixantaine de kilometres de Mbankana. C'est l'Ingenieur Faustin qui m'a conseille cette etape. Comme ca correspondait a la distance que j'avais prevue, ce me convenait. C'est un lieu qui a ete tristement celebre les deux semaines precedant mon depart, car il y a eu trois accidents mortels la-bas. Mais je ne prenais pas un gros risque en roulant sur cette route si dangereuse en apparence, car les causes des nombreux accidents ne se verifient pas avec un velo. Premierement, il y a tres peu de circulation et des bandes pour les pietons de chaque cote de la route, et les voitures klaxonnent avant de depasser, donc il est quasiment impossible de se faire shooter par un imbacile qui force le passage, comme je risquerais en Suisse. Deuxiemement, les accidents sont dus au fait que des cretins voulant gagner une heure sur un trajet de 500km roulent comme des malades en pleine nuit et ne voient pas les nombreux camions en panne sur la route. Les feux des voitures sont souvent defectueux, et on indique le bord du vehicule a l'aide du clignotant gauche. On verifie que celui qui vient en face nous a bien vus en lui faisant des appels de phare. S'il repond, c'est bon. Mais comme je ne roulais pas la nuit, je ne risquais rien. Troisiemement, certains accidents sont dus a la defectuosite des freins et au surchargement des camions. Mais ces camions-la roulent presque au pas, donc on a le temps de les voir venir.
Vers la fin du trajet, je cherchais un endroit ombrage pour cuisiner et manger. J'ai passe un camion en panne ou on m'a demande de l'aide. J'ai propose qu'on partage mon repas. On m'a emmene un peu plus loin, ou il y avait de l'ombre, une paillotte et des braises. J'ai prepare une casserole de riz et on a mange en discutant de la politique du Congo. Certaines personnes etaient tres negatives sur leur pays et, malgre l'excellent etat de la route et la fertilite de la terre, disaient ne pas pouvoir cultiver par manque de machines. Je leur ai parle de la Chine qui, en 50 ans, est passe de pays sous-developpe a premiere puissance economique mondiale grace aux bras des Chinois. Lorsque j'ai dit que je pensais que, si tous les Congolais s'y mettaient, le pays pouvait etre puissant et abondant materiellement dans une vingtaine d'annees, on m'a repondu "Oui... apres notre generation. C'est a chacun son tour de vivre." Toutes les personnes que j'ai rencontrees n'etaient pas ainsi. C'etait meme les plus negatives et les plus paresseuses, mais j'ai constate que le sens du sacrifice n'est pas dans la culture ici. Je leur ai explique la methode SODIS pour produire de l'eau potable et ai mis ceci par ecrit avant de partir. Je l'avais d'ailleurs deja fait a Mbakana et je le ferai tout le long du voyage.
Ce jour-la, j'ai bien roule, a un rythme tranquille. L'itineraire etait vallone, mais comme la distance etait assez courte, je suis arrive a destination avec l'envie d'aller plus loin. J'aurais peut-etre du... Arrive a Kwango, j'ai demande s'il etait possible de planter ma tente la-bas. On m'a ammene chez le chef de secteur (il avait la responsabilite de la partie de l'agglomeration ou je me trouvais). Il semblait gene et tendu. Il m'a dit que je devais passer au poste de police pour m'annoncer officiellement. Donc j'y suis alle. Comme on m'accompagnait, c'etait a pied. Mais c'etait a trois kilometres. Questions incessantes des badauds sur le chemin. Quelques minutes passees a un barrage de la police qui affirmait qu'avoir une carte geographique etait illegal (ce qui est faux). Puis, longtemps au poste de police, ou j'ai appris a resumer l'enchainement d'evenements qui m'ont fait me retrouver sur un velo a cet endroit, car j'ai du le raconter a cinq personnes differentes et leur presenter mes papiers a chaque fois. Finalement, on m'a dit que je pouvais passer la nuit ici, au poste de police (a savoir quelques maisonnettes en briques avec des toits en tole autour d'une cour en terre seche et sablonneuse). Mais, comme le chef de secteur m'avait dit que je pouvais rester, je ne voulais pas refuser son invitation et etre insultant, donc il fallait que je retourne chez lui. La encore, j'etais accompagne, donc il fallait marcher. J'ai eu un arret supplementaire a une sorte d'office du tourisme ou il y avait des fonctionnaires en mal de travail. J'ai encore du raconter mon histoire. "Ou sont nos bieres?" m'a demande le gratte-papier qui m'avait questionne. Je lui ai explique que je n'etais pas riche et que je ne pouvais pas offrir une biere a chaque personne que je rencontrais. Il m'a dit que, comme je passais par la, il fallait que je donne quelque chose. J'ai dit que je n'avais rien a donner, comme materiel, car je voyageais a velo, mais que je pouvais lui donner une information tres utile. La methode SODIS fait des miracles, meme face a la corruption! Apres les trois kilometres, le chef de secteur m'a dit que pour ma securite, c'etait mieux que j'aille dormir au poste de police. Vraisemblablement, il ne voulait pas que je dorme dans son secteur. Je n'ai jamais su pourquoi. A nouveau j'ai parcouru a pied les trois kilometres en poussant mon velo.
Malgre le fait que l'on m'ait dit qu'il y avait un endroit ou je pouvais me laver, j'ai ete contraint de me coucher transpirant. Il semblait que rien n'etait possible avant le lendemain. On m'a dit de dresser ma tente dans la cour, puis non, a cote d'une maison, puis non derriere celle ci et finalement non, sous la paillote a meme le trottoir (trois murs de bois ressemblant aux roseaux d'un metre de haut et un toit en feuille de palmier da deux metres du sol). Heureusement que ma tente se montait sans les sardines, car les planter dans l'asphalte aurait ete difficile. Heureusement aussi que j'avais un matelas. Heureusement qu'il y avait des policiers tout pres, car je devais dormir en pleine rue dans un lieu mal repute. Finalement, il n'y aurait pas eu besoin des policiers, car le bar qu'il y avait de l'autre cote de la route m'a empeche de dormir jusqu'a 4 heures du matin. Donc j'ai bien pu surveiller mes affaires.
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